Maison de Charles Trenet en vente
Maison de Charles Trenet en vente
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Maison de Charles Trenet en vente

Visite dans l’antre de l'ambassadeur de la chanson française.


Difficile de réprimer ses émotions en pénétrant dans la demeure de Charles Trenet, aujourd’hui proposée à la vente. Visite guidée dans l’antre de ce monstre sacré, ambassadeur de la chanson française.

De toutes les routes de France, d’Europe, celle que je préfère est celle qui conduit en auto ou en auto-stop vers les rivages du midi… On est heureux Nationale 7 ». Les paroles de sa ballade en référence aux congés payés, le « fou chantant » a dû, à de nombreuses reprises, les éprouver en ralliant sa demeure de Golfe-Juan.

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Une construction massive et pure, des angles à l’apparente austérité que seule la courbe de la façade avant vient troubler, des toits-terrasses colorés… En puisant son inspiration chez Le Corbusier, Charles Trenet fait montre d’une certaine audace sur une Côte d’Azur où s’épanouissent le Belle Epoque et le style provençal. Alors qu’il introduit dans la chanson française le dynamisme vivifiant des comédies musicales américaines, il mise sur une architecture avant-gardiste.
Une construction massive et pure, des angles à l’apparente austérité que seule la courbe de la façade avant vient troubler, des toits-terrasses colorés… En puisant son inspiration chez Le Corbusier, Charles Trenet fait montre d’une certaine audace sur une Côte d’Azur où s’épanouissent le Belle Epoque et le style provençal. Alors qu’il introduit dans la chanson française le dynamisme vivifiant des comédies musicales américaines, il mise sur une architecture avant-gardiste.
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Comme à son habitude, le message de Cocteau emprunte sa substance à la poésie et à l’humour. « Je te l’avais dit », 1938. Peut-être une référence au succès rencontré par Charles cette année-là ? Enigmatique Jean… Carnet Surface totale : 400 m2 sur quatre niveaux reliés par un ascenseur, un appartement de gardien, une piscine de vingt mètres de long et un parc de 6000 m2.
Comme à son habitude, le message de Cocteau emprunte sa substance à la poésie et à l’humour. « Je te l’avais dit », 1938. Peut-être une référence au succès rencontré par Charles cette année-là ? Enigmatique Jean… Carnet Surface totale : 400 m2 sur quatre niveaux reliés par un ascenseur, un appartement de gardien, une piscine de vingt mètres de long et un parc de 6000 m2.
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Quelques traits pour son visage jovial. Il aimait ce portrait, qu’il faisait reproduire sur les plaques d’immatriculation de ses voitures.
Quelques traits pour son visage jovial. Il aimait ce portrait, qu’il faisait reproduire sur les plaques d’immatriculation de ses voitures.

Si on la devine depuis la route, elle disparaît devant l’épais portail émeraude haut de six mètres. Deux lions de pierre, installés de chaque côté, fixent le passant. Deux statues que l’on retrouve dans « La Belle et la Bête », un clin d’œil au réalisateur et complice Jean Cocteau. C’est avec ce dernier qu’il déniche le terrain et bâtit son imposante maison en 1938. Alors âgé de vingt-cinq ans, l’auteur-compositeur-interprète, originaire de Narbonne, vient de finir son service militaire. Il a également signé une chanson, « Y’a d’la joie », rendue célèbre par Maurice Chevalier. Derrière lui aussi, les années de duo avec Johnny et l’avènement du style « fleur bleue ». Grâce à Raoul Breton, qui lui rendra souvent visite dans sa propriété de la Côte d’Azur, il fait son entrée au Théâtre de l’ABC. Colette, Mireille et Max Jacob l’acclament. Les jeunes ont trouvé leur idole.

Charles trace lui-même les plans de la bâtisse, s’inspirant d’un architecte alors très en vogue, Le Corbusier. Cela donne un immense paquebot sur quatre niveaux. On y retrouve les thèmes chers au maître suisse : des toits-terrasses, une absence totale de hiérarchie entre les façades, des fenêtres structurantes et, bien sûr, la pureté du trait. Le blanc s’impose naturellement. Maurice Besset, dans « In Le Corbusier », écrivait : « Si la maison est toute blanche, le dessin des choses s’y détache sans transgression ». Une véritable roue de marin, une échelle de bois et des hublots renforcent la référence au bateau. Surprenantes également, les couleurs : rouges, l’allée de réception et les terrasses, pourpres également, les lignes qui s’élancent vers le faîte, mais aussi vertes et bleues. Autant de teintes reprises à l’époque sur les volets. Ces aplats donnent au bâti son caractère et appuient sa géométrie. Le navire se dresse dans son habit de béton au cœur d’un jardin à la sophistication subtile.

Autour, quelques propriétés, là où jadis la nature dominait. Au loin, la mer. Celle « qu’on voit danser le long des golfes clairs »… La mythique chanson de Trenet, composée avec Léo Chauliac en 1943 dans un train entre Narbonne et Carcassonne et enregistrée en 1946, parcourt le monde et fait l’objet de plus de quatre mille reprises. Au même moment, l’artiste, toujours enjoué, délaisse son bateau pour traverser le Canada, les Etats-Unis, le Mexique et le Pérou. Mais celui qui la fredonnait « douce » ne tarde pas à rentrer en France. Il passe alors plusieurs séjours à Golfe-Juan. En compagnie de Mistinguette, sa voisine d’Antibes, il projette des films, installés dans un petit amphithéâtre de pierre à l’arrière de la maison, à quelques mètres de l’ancienne piscine.

Si Charles Trenet s’est éteint en février 2001, l’intérieur a conservé les traces de son passage. Nulle surprise de découvrir la cuisine en lambris de bois comme les salles de bains. Quelle émotion de pénétrer dans le bureau. L’œil est happé par le piano. Un Molière, une dédicace des Frères Lumières, un 7 d’Or, une Victoire de la Musique, le Prix Grand Siècles, un disque de platine… Et le chapeau à bord mou. La présence du roi du music-hall, de l’homme de scène, du génie de la poésie et du swing est palpable. Devant l’escalier, on est arrêté par un portrait de Charles Aznavour, signé Laffite. Et l’on découvre que Trenet, loin de se contenter de faire danser la France, s’adonnait également à la peinture. Ses œuvres accompagnent la montée des marches. Premier niveau : la chambre de sa mère, l’ancien salon de lecture, la salle à manger ; deuxième : ses quartiers ; troisième : une pièce de nuit et dernier étage : la salle de sport. Elle donne sur la cime de deux cyprès, plantés il y a soixante-sept ans en l’honneur de Trenet et de Cocteau.

Le Corbusier rêvait d’« installer un esprit nouveau », l’artiste aux sept films, sept livres et mille chansons a, quant à lui, révolutionné le paysage rythmique de son siècle. En ces murs, on entend une voix lointaine et entraînante : « Je chante, soir et matin ! Je chante sur mon chemin. Je chante, je vais de ferme en château ». C’est encore lui qui le dit le mieux : « Longtemps, longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent dans les rues ».

Ce très beau reportage est paru dans le numéro 89 du magazine Résidences Immobilier. Pour le commander :
contact@residences-immobilier.com.

Par Laetitia Rossi - Photos Edith Andreotta