Cannes, « Qui y vient y vit »
Mondialement connue pour son Festival International du Film et son littoral haut en couleurs ponctué de palaces et de ports de plaisance, la ville de l’ouest des Alpes-Maritimes, près de 73.000 habitants, réunit de nombreux adeptes. Les professionnels évoquent l’immobilier de prestige, un segment porteur à Cannes.
Le territoire en forme de croissant développe 9 km d’est en ouest et 5 km du nord au sud, soit 1962 ha. Si la bande maritime s’avère ultra urbanisée, le nord, le massif de La Croix-des-Gardes et, bien sûr, les Iles de Lérins font la part belle aux espaces verts. Le paysage alterne harmonieusement plai-nes et reliefs, parmi lesquels Le Suquet, autrement dit le quartier historique et la Maure, une colline culminant à 260 mètres. Desservie par l’autoroute A8, la localité, qui n’organise pas moins de cinq marchés quotidiens ou hebdomadaires (La Bocca, Forville, Gambetta, Les Allées de la Liberté et l’Etang), accueille une population relativement âgée par rapport au reste du département. Le tourisme, la mairie, le centre hospitalier et le pôle aéronautique restent les principaux pourvoyeurs d’emplois. En 2007, on compte 10.665 entreprises et 39.636 postes *. La même année, une étude de Citi Private Bank distingue Cannes com-me la commune la plus onéreuse de France, devant Saint-Tropez, Nice, Deauville, La Baule, Biarritz, Di-nard, Evian et Paris. Toujours d’après les statistiques observées à cette période, 36,5 % des logements sont des résidences secondaires *. La station climatique, forte d’un parc hôtelier d’une centaine d’entités, dont le quart est classé quatre-étoiles, décline tout au long de l’année festivals et congrès : les NRJ Music Awards, le Marché International des Professionnels de l’Immobilier, le Marché International des Programmes de TV et le Festival International de la Plaisance.
Heathcliff Zingraf du groupe Michaël Zingraf, une structure exclusivement axée sur l’immobilier de prestige, note un léger ralentissement sur la gamme 2-6 M € et, au contraire, un renouveau de la demande au-delà. Dans le premier groupe, figurent 95 % de résidents occasionnels, étrangers dans la majorité des cas - des Russes, des Scandinaves et des Européens du Nord. L’un d’entre eux vient de s’offrir, moyennant 3,5 M €, 300 m2 à restaurer intégralement sur une parcelle de 3000 m2 située du côté de La Californie et orientée sur la Grande Bleue. Dans la tranche supérieure, les Russes, friands de propriétés au luxe ostentatoire, augmentent en nombre. En 2011, l’agence cannoise orchestre, par exemple, la vente d’un bien de 1000 m2 en bon état sur un terrain de 8000 m2 jouissant d’une plongée vue mer, au sommet de La Californie, à 15 M €. Maintenant, il ne faut pas se leurrer : les ventes supérieures à 8 M € enregistrées chaque année se comptent sur les doigts de la main. Les amateurs d’appartements continuent de plébisciter La Croisette. Plus qu’une simple adresse, le secteur s’inscrit comme une véritable carte de visite, une indéniable valeur-refuge susceptible d’atteindre 35.000 €/m2 dans l’ancien. Très souvent, les acheteurs, dont une large part de retraités français, se séparent d’une villa, moins fonctionnelle et plus lourde d’entretien, pour se rapprocher du front de mer béni des dieux. Dès qu’il s’agit de collectif, les autres quartiers suivent davantage les fluctuations du marché. Un beau spécimen dans une résidence de standing de La Californie, avec piscine, parc, vue mer et tennis, oscille de 12.000 à 15.000 €/m2, quand le ticket d’entrée démarre à 8000 €/m2. Le professionnel regrette l’écart existant entre les prix affichés et actés, de l’ordre parfois de 20-30 %. « Ces tentatives ne prennent plus. Aujourd’hui, les achats sont raisonnés. »
« La crise affecte surtout les acquéreurs de secondaire disposés à injecter de 1 à 3 M €. Beaucoup ont d’ailleurs remis leur projet à plus tard. Au-dessus, ils paraissent moins gênés et se montrent, généralement, plus prompts à la décision », précise Régis Ramette de l’agence John Taylor. De même, les fameuses marges de négociation sont plus importantes de 800.000 à 1,5 M € pour les appartements et de 1,5 à 4 M € pour les villas. Depuis le mois de juin, l’enseigne a vendu quatre demeures comprises entre 5 et 10 M €, toutes édifiées sur La Californie. Désormais, 3 M € ne constitue plus une enveloppe suffisante pour briguer une maison en excellente condition à Cannes, bien placée et dotée d’un panorama azur. Vers La Californie et Super-Cannes, il faut compter, sur le segment individuel, de 15.000 à 20.000 €/m2. Sur la Corniche du Paradis Terrestre et le chemin des Collines, les superficies de terrain, comme les surfaces habitables, souvent proches des 400 m2, se révèlent plus généreuses. Fatalement, les tarifs pratiqués sont en corrélation et les transactions, plus rares. Au cours des quatre dernières années, des propriétés dites historiques - La Tropicale, Le Palais Florentin, Le Palais Oriental, Bagatelle et La Fleurière - trouvent preneurs entre 20 et 30 M €. Cette demande existe, mais il est toujours compliqué de faire coïncider les attentes des deux parties. Dès que l’on atteint ces niveaux, on tourne le dos à une logique de marché pour renouer avec une dimension affective. En ce qui concerne les appartements, John Taylor termine en 2010 la commercialisation du programme sélect du Palm Beach, le bien nommé Palm Building. Les lots les plus exclusifs partent entre 20.000 et 30.000 €/m2. On attend la construction du 7 Croisette, réalisé par Eiffage. Déjà vendus, les derniers étages oscillent de 35.000 à 45.000 €/m2. La plupart des clients acquièrent des plateaux entiers, soit plusieurs lots. Si l’engouement pour La Croisette ne fléchit jamais, les copropriétés des autres quartiers suscitent un intérêt plus dilué.
« Contre toute attente, les mouvements de la finance internationale n’ont qu’un impact limité sur le marché cannois, à l’instar de la nouvelle fiscalité. Stable, réfléchi et moins spéculatif, il résiste bien. Sans doute grâce à l’absence de terrain à bâtir, une planche de salut qui épargne la destination, à l’inverse des Etats-Unis ou de l’Espagne, de toute perspective de baisse », se réjouit Karim Abel de Croisette Properties. La mise à prix de départ est capitale, notamment pour endiguer l’allongement des délais d’écoulement. Un produit estimé à sa juste valeur quitte les fichiers sans grande difficulté. A titre d’exemple, dès la deuxième visite, un Français désireux de s’installer en principal paie 4,3 M € une maison récente de 300 m2 sur 1500 m2 face à la baie de Cannes. Le clé en main remporte, ensuite, un franc succès. Un Russe s’allège, d’ailleurs, de 2 M € contre 120 m2 entièrement restaurés sur La Croisette. Dans ce cas précis, la négociation ne dépasse pas 10 %. Si le spécialiste a l’habitude de travailler avec une clientèle étrangère fortunée, peu limitée en terme de budgets, il rappelle que bon nombre de personnes décidées à vivre sur place se disent prêtes à investir sous la barre des 3 M €, jusqu’à 2 M € dans les appartements et 1 M € supplémentaire dans les villas. Et c’est quand même là que se situe l’essentiel de l’activité immobilière cannoise.
* Source Wikipedia
Par Laetitia Rossi