La Belle Epoque
La Côte d’Azur porte la marque de ses premiers succès.
La Côte d’Azur porte la marque des heures fastes de ses premiers succès. Un micromarché qui mérite une analyse…
En 1860, Nice quitte le giron italien pour la France ; en 1864, le train qui relie Paris, Lyon et Marseille pousse jusqu’à la future capitale azuréenne. Ce désenclavement, joint à l’incroyable engouement qu’elle suscite, explique en partie la naissance du style Belle Epoque. La clientèle aristocratique accourt des quatre coins de l’Europe ; les brefs séjours se muent en villégiatures d’hiver et la Côte d’Azur se dote peu à peu de structures d’accueil, villas, châteaux ou hôtels. Les architectes du moment comme les commanditaires sont parisiens, russes, anglo-saxons ou italiens. Ce foisonnement n’est pas sans répercussion sur la diversité du courant que l’on situe entre 1870 et 1914. D’abord marqué par l’orientalisme, il fait référence aux formes nord-africaines, hindoues (comme en témoigne le Château de l’Anglais) voire japonaises ; il s’agrémente alors de parcs complantés de palmiers et de bananiers.
L’italianisme succède à cette première tendance et les clins d’œil à la Renaissance se multiplient. Ainsi, les frises, les loggias, les enfilades de colonnes (dont les Villas Masséna et Beausite constituent un bel exemple) ponctuent les réalisations. Enfin, de 1900 à la Première Guerre Mondiale, on opte pour un certain néoclassicisme (en souvenir de ce phénomène, Le Ruhl, le Royal, l’Hermitage…). L’ouverture sur le jardin apparaît alors secondaire, ce dernier fonctionnant comme une entité à part entière avec ses terrasses, ses statues et son abondante végétation. L’une des fonctions principales de ces constructions : la réception. On comprend ainsi que l’accent soit mis sur l’esthétique, le luxe et la démesure. Les grandes bâtisses ne comptent pas plus que cinq niveaux. Le rez-de-chaussée et le premier étage font souvent office de soubassement. Moulures, éléments en relief et fresques rehaussent les façades. Parmi les plus marquants représentants du genre, le Regina, où séjournèrent la Reine Victoria et Henri Matisse, le Château Valrose, également situé à Cimiez, et le mondialement célèbre Negresco. Parallèlement aux développements niçois et cannois, d’autres stations de moindre taille prennent leur essor. Toutes se parent de constructions Belle Epoque, l’est de Nice s’avérant plus prolifique en la matière. Entre 1891 et 1904, la cité de Villefranche-sur-Mer, composée de deux lieux-dits, Saint-Jean-Cap-Ferrat et Beaulieu, se scindent en trois communes distinctes. La dernière, considérée comme le fief de la mouvance, abrite de véritables fleurons : le Palais des Anglais, le Bristol, le Royal Riviera, la Réserve ou encore l’Hôtel Métropole. Cap d’Ail possède ses propres modèles dans le quartier résidentiel de la Pinède. Tout comme Menton et le Cap Martin. A Monaco, malgré l’incontournable Hôtel Hermitage, la part du Belle Epoque reste anecdotique.
« La demande correspondant à ce micromarché émane en majorité des anglophones et des ressortissants d’Europe du Nord », analyse Christian Bovis de l’agence éponyme. « Ils apprécient l’architecture générale, le caractère historique et la configuration qui fait la part belle aux généreux volumes et aux belles hauteurs sous plafond. Mais, il convient de souligner un paradoxe : tous exigent un lieu Belle Epoque avec terrasses, or le style n’en prévoyait pas. » Au niveau des coûts, ce professionnel de Beaulieu-sur-Mer établit le classement suivant : « Le Cap Ferrat présente quelques appartements dans des villas transformées en copropriétés, compter 11.000 € le mètre carré. Beaulieu, qui est la quatrième plus petite commune de France avec 92 hectares, mais aussi l’une des plus riches en patrimoine Belle Epoque, présente un prix allant de 7000 à 9000 € le mètre carré pour un appartement et de 12.500 € pour une villa. A Villefranche, il y a peu d’immeubles correspondant à la période, prévoir 4300 € le mètre carré et 9000 € pour une maison sise entre la Basse et la Moyenne-Corniche. Entre 7000 et 8000 € le mètre carré pour un appartement situé à Cap d’Ail et 9000 € dans la résidence individuelle. »
Les propriétés du secteur précité possèdent peu de terrain. L’avantage du Cap Martin réside au contraire dans la présence de grands domaines. Moins onéreuse avec un prix d’appel pour une villa situé aux alentours des 1.000.000 € (200 m2 sur 1000 m2 de terrain plat sans vue) et une limite supérieure avoisinant les 6.000.000 € hors exception, Menton présente également son lot de demeures centenaires. Si Cannes se distingue plus par ses appartements, Nice arbore une grande diversité d’hôtels particuliers, dans les quartiers de Cimiez, du Mont Boron et du Parc Chambrun. Dans celui du Parc Impérial, la présence de ce type de biens se trouve noyée dans un univers disparate. A produit équivalent, la spécificité Belle Epoque fait monter le coût de 20 %, même si l’emplacement, la vue mer et la surface gardent leur prépondérance dans l’appréciation du bien.
Olivier Morvan de l’agence Hamptons International considère que ce genre de maisons s’adresse directement à l’affect. « Il en va de la responsabilité morale de l’acquéreur de conserver le patrimoine et de le transmettre dans le meilleur état possible. » « Ces édifices s’intègrent parfaitement aux cadres urbains et périurbains, mais nécessitent bien souvent une rénovation », souligne enfin Lucien Mostacci de Park Agence.
Par Laetitia Rossi - Photos Edith Andreotta