Le Var et ses domaines viticoles
Son nectar gagne en qualité, ses domaines attirent les investisseurs.
Le département n’a désormais plus rien à envier aux étendues bordelaises ou aux ensembles viticoles de Bourgogne : son nectar gagne en qualité, ses domaines attirent les investisseurs.
La réputation du Bandol, installé sur le littoral, dépasse largement les frontières de l’Hexagone. Quant aux autres appellations varoises, les Côtes de Provence, les Côteaux varois et les Côteaux d’Aix-en-Provence, dont les trois-quarts des vins élaborés sont des rosés AOC, ils ont, depuis quelques années déjà, le vent en poupe. Notamment grâce aux progrès réalisés en matière de vinification. Avec 27.000 hectares cultivés et cinq cent quatre-vingts producteurs, ils affichent un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros. Il s’agit de la plus ancienne terre de vin de France. Les Phocéens y firent pousser les premières vignes voilà maintenant 2600 ans. De cette tradition ancestrale, naît un marché immobilier bien particulier : les domaines viticoles. Stéphane Paillard, œnologue, du Bureau Viticole (filiale associée du groupe immobilier Emile Garcin), situe l’origine de l’engouement en 1980. Les immenses espaces et leurs châteaux, qui n’avaient jusqu’alors attiré que les professionnels du secteur, séduisent soudain des néophytes. Des chefs d’entreprise y voient une retraite idéale, mais aussi une solution fiscale avantageuse. En effet, ces biens ne sont pas compris dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune si les gains obtenus constituent la principale source de revenu. L’intérêt de la mesure n’échappe à personne. Autre aspect et pas des moindres : l’acquisition d’une société agricole permet d’agrandir le bâti à partir du moment où l’activité le justifie. Dans le Var, contrairement à la Bourgogne ou au Bordelais, la pierre, longtemps restée au second plan, devient désormais prépondérante. Elle rentre ainsi à 80 % dans la détermination du prix. D’où les expressions consacrées par le professionnel : « résidences du vin » ou encore « propriétés viticoles d’agrément ». On comprend ainsi que la plus-value engrangée lors de la revente tienne davantage aux efforts portés sur l’habitat que sur la vigne. N’allez pas conclure trop vite à la désaffection de celle-ci. Si certains emploient le terme « élever » du vin, cela renvoie à la magie de cette culture et aux soins particuliers qu’elle requiert. De lourds investissements financiers ne suffisent pas toujours à compenser l’absence de passion. Mais en évoquant l’aspect immobilier de la question, on tend à démontrer que plus qu’un garant de rentabilité, le domaine fait figure de placement patrimonial. Derrière ce type d’achat, on retrouve la volonté de rassembler, d’offrir à la famille un véritable ciment ou tout simplement de faire l’expérience d’une tranche de vie unique.
Masculine, la clientèle répond au mythe du « gentleman farmer » en quête de retour aux sources, d’authenticité et de douceur climatique. Elle se compose d’industriels français, de quelques sociétés, d’Européens du Nord avec une majorité d’Anglais, suivis par les Scandinaves, les Belges et les Suisses. Sur ce marché, la part des nationaux reste plus importante, fait suffisamment marquant sur le haut de gamme azuréen pour être signalé.
Dominique Kratz de l’agence Sud Paradise fixe le prix d’appel à 1.000.000 € et cite l’exemple d’un domaine du moyen-Var : dix-sept hectares en Appellation d’Origine Contrôlée, une bastide de 400 m2 à restaurer et autant de dépendance. Pour 23.000.000 €, on peut compter sur six cent cinquante hectares, dont quatre-vingt cinq de vigne avec château, hostellerie, piscine, tennis et vinification effectuée in situ.
Les domaines se seraient-ils mués en lieux dédiés au loisir ou au très en vogue agrotourisme ? « Difficile de faire pareil constat », précise Peter Vandenbriele de l’Agence du Rocher. Ces propriétés relèvent toujours de la question agricole. Si l’exploitation en chambres d’hôtes ou en gîtes est souvent possible, en revanche peu obtiennent le droit de les transformer en hôtels. Entre la décision de vendre et la mise effective sur le marché, en règle générale, plusieurs années s’écoulent. L’affaire se prépare : il convient de venir à bout des problèmes liés aux finances, à la succession ou à l’indivision. Le recours à l’expert s’impose et limite les éventuelles mauvaises surprises. A noter que certains domaines sont placés en fermage (l’exploitation se voit dans ce cas confiée à un fermier autre que le propriétaire du bien). Si l’acheteur souhaite récupérer l’activité viticole, il doit alors négocier avec le fermier présent sur les lieux. De même, il faut savoir que la SAFER, association agricole, possède un droit de préemption au rachat destiné à conserver les domaines dans le giron des exploitants.
La tendance actuelle ? Stéphane Paillard la résume ainsi : « achat au prix de biens ne présentant aucun défaut ». Oubliées les pulsions irrationnelles et la fièvre acheteuse d’une certaine époque où l’on passait à l’euro et où la bourse prospérait. L’acquéreur, qui mise sur une revente facile, adopte désormais une attitude pleinement réfléchie. Deux types de clients : ceux intéressés par un bel outil de production - jeunes agriculteurs ou « maisons » qui cherchent à s’agrandir - et les autres, attirés par un genre unique de propriété. Ils ont entre cinquante et soixante ans et conservent leur vignoble entre sept et quinze ans. Le souci de transmission, jadis très présent sur ce segment, tend à disparaître. La notion de plaisir prévaut sur celles de sacrifice et de dur labeur. Les clients du vignoble exigent la proximité des axes de circulation et des infrastructures, un bâti de caractère, une exploitation en bon état et une localisation appréciable tant sur le plan géographique que social. Dans les années 80, on recherchait des surfaces comprises entre 60 et 80 hectares, 25 à 30 hectares au cours de la décennie 90, 8 à 15 hectares depuis l’an 2000.
Chaque jour qui se succède apporte la preuve d’un dynamisme sans faille, d’une demande soutenue et d’un succès toujours grandissant. Le micromarché ignore les crises et ne connaît que les limites imposées par le nombre de biens disponibles à la vente.
Par Laetitia Rossi - Photos Edith Andreotta