Saint-Tropez tire son épingle du jeu
Située dans le 1er département touristique de France, la station balnéaire est connue aux quatre coins de la planète. Dans un contexte économique international tendu, le resserrement de « l’investissement secondaire » sur les adresses premiums se précise. Les professionnels argumentent…
Si la construction de la citadelle remonte au XVe siècle, l’engouement pour le village de pêcheurs démarre par le coup de cœur de Paul Signac et, à sa suite, de Matisse, Bonnard et Marquet, les maîtres fauves. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, les artistes de la Nouvelle Vague puis des Yéyés apprécient également la villégiature du sud de la France. Authenticité provençale et ambiance festive figurent au programme de la bucolique destination qui inspire, tour à tour, Colette et Sagan. Sans oublier Vadim, le réalisateur de « Et Dieu créa la femme » (1956), à l’origine de l’explosif déhanché de Brigitte Bardot, véritable icône tropézienne. Les 1118 ha que compte la commune se révèlent relativement préservés. Aéré, le bâti se concentre avec charme autour du centre ancien, du vieux port et de la célèbre place des Lices. 4900 personnes vivent à l’année in situ.
« 2012 campe une période transitoire, marquée par les élections présidentielles et un climat économique aussi incertain qu’attentiste. Ces deux paramètres, prégnants sur les marchés dits courants, ne semblent pas concerner le haut de gamme tropézien », précise Valérie Chandler de Valérie Chandler Properties. La clientèle, prête à débourser 5 M € et plus, quasi exclusivement étrangère, est attachée à la France, à son style de vie, à sa stabilité immobilière, à la solidité du système notarial et à la courbe ascendante du prix de la pierre à long terme. Saint-Tropez apparaît désormais comme un label, une étiquette et, par conséquent, une valeur sûre. Anglais, Belges, Allemands et Scandinaves se positionnent… Autant d’Européens du Nord auxquels se mêlent la classe moyenne aisée russe et quelques ressortissants de pays émergeants comme le Brésil ou l’Inde. Le style provençal pur ne trouve plus grâce à leurs yeux. Les acquéreurs plébiscitent l’alliance de pierres naturelles et de lignes et finitions ultra contemporaines, sur fond d’intégration au paysage. Tous préfèrent le clé en mains aux colossaux travaux. Le quartier de la Moutte, sis à moins de 2 km du centre, arbore des villas autour de 500 m2 sur des parcelles de 5000 m2, commercialisées sans vue mer, selon le niveau de prestations et la surface habitable, de 4 à 8 M €. Une maison en bon état de 250-300 m2 et son terrain de 5000 m2, jouissant d’un emplacement privilégié et d’une ouverture Méditerranée panoramique, démarre à 12 M €.
« Le créneau des références entre 4 et 8 M € rencontre des difficultés d’écoulement. Un déséquilibre persiste, en effet, entre les attentes des acheteurs potentiels et les critères assurés par la catégorie. Du coup, tout un stock demeure en fichier », commente Marie-Christine Cases d’Immobilier à la Carte. Certains considèrent à tort que l’attentisme aura raison des prix. Or, les vendeurs tiennent la position dans la mesure où l’heure n’est pas à la crise. D’autres, des investisseurs français au fait de la réalité tropézienne, visent les produits à restaurer sous la barre des 3 M €. Prêts à raser l’existant, ils privilégient le terrain et l’adresse. La pénurie de foncier constitue à la fois la force et la faiblesse du village balnéaire. Ceux, disposés à injecter plus de 10 M €, exigent systématiquement la vue mer et le quartier sécurisé. Le principe du domaine fermé, dont Les Parcs de Saint-Tropez se fait le porte-drapeau, les séduit et les rassure, qu’ils envisagent l’achat ou la location d’ailleurs. Dans un tel contexte, le métier d’agent immobilier se professionnalise. Les deux parties cherchent un véritable partenaire, un conseil éclairé et averti, pas seulement un intermédiaire.
« Même pourvu d’une enveloppe entre 10 et 12 M €, l’intéressé se heurte à un choix restreint de propriétés dignes de ce nom », constate Françoise Eret d’Interfirst Agency. Les Européens de l’Est, plus regardants que par le passé tiennent au panorama Grande Bleue, à la proximité des plages voire à la configuration pied dans l’eau, une denrée démarrant à 20 M €. L’accent porte, ensuite, sur la sécurité. L’exemple monégasque est ainsi souvent évoqué. Le Capon reste le secteur le plus coté. En bout de presqu’île, il recèle des parcs généreux et une végétation luxuriante, du goût d’une élite fortunée en quête d’intimité et de discrétion. L’hiver dernier, un ensemble de trois maisons, soit 900 m2 au total sur 2 ha, aurait trouvé preneurs à 40 M €. C’est le signe que le haut de gamme se porte bien et que le nivellement vers le haut s’inscrit comme une tendance inéluctable. Au fil des ans, des destinations concurrentes sont citées. Pourtant, au lieu de la déperdition annoncée, Saint-Tropez renforce ses bases jusqu’à apparaître comme la carte de visite par excellence. La responsable d’Interfirst Agency observe un nombre grandissant d’investisseurs russes. L’un d’entre eux acquiert, contre 3,5 M €, 250 m2 sur 3000 m2 du côté de la Moutte, bien décidé à les retaper avant revente. Un autre paie 8 M € une unité à restaurer partiellement de 300 m2 sur 2800 m2 près de Pampelonne. Une fois les travaux réalisés, elle sera proposée à la location saisonnière une bonne partie de l’année. Depuis le changement de législation sur les plus-values, des propriétaires retirent régulièrement leurs fiefs des tablettes.
Par Laetitia Rossi
