Une propriété sur la Côte d’Azur
La réputation du secteur n’est plus à faire. Il arbore les caps les plus sélects de la planète, un littoral ultra prisé que surplombent les premiers sommets alpins et des villes hautesnen couleurs fréquentées par une clientèle exigeante et fortunée. En dépit des aléas de l’économie internationale, la destination surfe sur le créneau du luxe.
A cheval entre le Var et les Alpes-Maritimes, la Côte d’Azur accueille plus de 14 M de visiteurs chaque année, dont la moitié d’étrangers. Rien que dans le 06, près de 20 % des emplois relèvent du tourisme. Si l’on en croit les chiffres enregistrés sur l’année 2010, les hôtels trois-, quatre- et cinq-étoiles affichent de meilleurs scores que les entrées de gamme. Cette tendance à privilégier la prestation, l’espace et le standing aurait-elle des répercussions sur l’immobilier ? Si certains segments et certaines régions ont encore à composer avec une sortie de crise qui n’en finit pas, la propriété azuréenne semble tirer son épingle du jeu.
Jean-Christophe Hym de l’agence Europa distingue trois types de domaine : le pied dans l’eau, les situations dominantes et les grands espaces du proche arrière-pays. La demeure qui possède un accès direct à la mer se trouve sur un cap - Martin, d’Ail, Ferrat ou d’Antibes -, entre Golfe-Juan et Cannes, du côté de La Napoule et de Théoule-sur-Mer ou dans le Var, un département nettement plus prolixe en la matière. Commercialisée de 15 à 200 M €, elle arrive loin devant en termes de prix. Belle Epoque ou ultra contemporaine, elle remporte tous les suffrages auprès de la clientèle d’Europe de l’Est. Saint-Jean-Cap-Ferrat, classé par une étude menée en 2007 par le cabinet Knight Frank « lieu de villégiature le plus cher du monde », tient le haut de l’affiche, suivi par la pointe antiboise et le domaine fermé et gardé des Parcs de Saint-Tropez. Sur le Cap d’Antibes, Le Château de la Garoupe et son parc de 13 ha, Médy Roc et son escalier sur l’eau et Le Château de la Croë, où Roman Abramovitch aurait, d’après la presse quotidienne régionale, proposé d’inviter Dmitri Medvedev à l’occasion du G20, constituent de magnifiques exemples du genre. Dernièrement, Villa Pamplemousse, « un quasi pied dans l’eau », nuancent les puristes - 1000 m2 habitables sur un terrain de 8000 m2 - trouve preneur à 45 M €. Comme cette catégorie, les hauteurs justifient leur cote par la qualité de l’emplacement. Villefranche, Beaulieu et Saint-Tropez suscitent la faveur des amateurs de vues plongeantes. Cannes avec ses trois collines, La Californie, Le Pezou et la Croix-des-Gardes, souffre la comparaison. Il y a deux ans, un Kazakh règle 26 M € contre La Tropicale - 1900 m2 habitables sur 6700 m2. Aujourd’hui encore, l’achat par Khalifa moyennant 36 M € de Bagatelle - 5000 m2 sur 17.000 m2 face à la baie de Cannes et aux Iles de Lérins - fait office de record, même pas égalé par les palais arabes - 1300 plus 1400 m2 sur 16.000 m2 - vendus 32 M €. Une propriété pourrait pourtant bouleverser le classement : on demande, actuellement, 180 M € pour les 2000 m2 de bâti et le terrain de 11.000 m2 de feu Gustave Leven des sources Perrier. Difficile de ne pas tomber sous le charme de la maison du film « La Main au Collet ». Maintenant, en milieu urbain, il est naturellement rare de jouir de parcelles aussi généreuses. Mougins et Saint-Paul, sis à 15 mn du littoral, règnent sans partage sur le proche arrière-pays. Mais, l’adresse importe moins que les atouts intrinsèques du parc, sa superficie et sa beauté. En témoigne l’ancienne maison de Martin Gray au Tanneron. Le simple fait de s’éloigner de la Méditerranée implique des tarifs plus raisonnables, de l’ordre de 8 à 30 M €. Certaines expériences échappent à tout barème, comme la bâtisse de l’émir du Qatar au Redon. Petit à petit, l’illustre propriétaire, qui s’apprête à ordonner la construction d’un centre sportif, rachète les voisines. Cette année, son fief s’agrandit d’ailleurs de quatre villas supplémentaires.
« Hormis quelques exceptions, dont les incontournables Schifanoia et Leopolda, le foncier est plus morcelé et accidenté au Mont-Boron, à Villefranche- et à Beaulieu-sur-Mer », décrit Benjamin Mondou de Century 21 Lafage Transactions. Sous la pression des Russes, des Britanniques et des Scandinaves, le marché de la belle surface, compris à l’est des Alpes-Maritimes entre 5 et 40 M € hors cap se porte de mieux en mieux, représentant pour l’heure de 20 à 30 % du chiffre d’affaires de l’agence. Parmi les dernières signatures, le professionnel évoque une Art déco de 500 m2 vers le Mont-Boron, à laquelle s’ajoute un logement de gardiens, dans un jardin de 1000 m2 orienté sur la Grande Bleue, à 6,5 M € et une contemporaine de 500 m2 avec pavillon d’invités et six garages dominant la rade de Villefranche, à 7,5 M €. Des trois, Beaulieu reste le choix du roi, même si Villefranche n’est pas loin derrière. « Le Mont-Boron se révèle, à tort, freiné dans sa progression par son appartenance à Nice, la grande ville du 06 », précise-t-il encore.
« Il convient de différencier la propriété luxueuse et confortable - du type 200-500 m2 habitables sur 2000-5000 m2 - du véritable domaine », insiste Christian-Alexander Rosengart de Rosengart Luxury Real Estate. Les intéressés se montrent aussi clairs qu’arrêtés dans leur choix. Les uns veulent de l’espace pour accueillir leur famille et leurs amis ; les autres s’en servent de carte de visite notamment pour recevoir en grande pompe. Tous recherchent la confidentialité et la discrétion, deux critères rompant radicalement avec l’effervescence du littoral azuréen. Parfois, des sociétés achètent ces biens pour un capitaine de l’industrie. Très souvent, une vocation est attachée à la denrée, tour à tour une chasse, un haras ou un château viticole. La piste d’hélicoptère est la cerise sur le gâteau. Par rapport à la villa dite de prestige, le domaine demeure anecdotique quant au nombre de transactions, mais - tarifs obligent - non négligeable du point de vue du volume d’affaires.
Par Laetitia Rossi